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De la pharma à l’assiette: Le role de l’industrie financière française dans la lutte contre la RAM

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14 September 2021
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Antibiotics & Health

La résistance aux antibiotiques : une problématique globale

La résistance aux antimicrobiens (RAM) est un phénomène dans lequel les micro-organismes développent une résistance aux agents antimicrobiens. Cependant, cela est accéléré par une mauvaise gestion des antibiotiques par les laboratoires pharmaceutiques et dans l’agriculture. Il a été estimé que, si la RAM continue de croître sans véritable contrôle et dans l’absence d’un mouvement collectif pour limiter l’envergure de son impact, le PIB brut annuel global sera réduit de 3.8%.

Actuellement, la résistance aux antibiotiques connait une forte accélération, à tel point qu’elle pourrait menacer la médecine moderne et les actes médicaux de routine tels que les césariennes ou les traitements de chimiothérapie qui pourraient alors devenir des interventions à haut risque. Selon l’agence nationale de santé publique, environ 6,000 décès par an sont causés par des infections résistantes aux antibiotiques en France, un chiffre qui a de fortes chances d’augmenter dans les années à venir si rien n’est fait.

Les antibiotiques dans les chaînes d’approvisionnement de l’élevage

En France, comme au niveau mondial, l’attention s’est principalement portée sur l’utilisation d’antibiotiques chez l’humain, alors que l’élevage d’animaux représente environ 73 % de l’utilisation internationale d’antibiotiques. Avec une augmentation importante du nombre d’exploitations agricoles intensives à grande échelle, les dernières décennies ont été marquées par une hausse drastique de la consommation d’antibiotiques. Ces derniers sont généralement utilisés pour traiter les maladies chez les animaux, assurer leur bien-être médical et éviter des souffrances qui pourraient mener à une mort prématurée. Cependant, les antibiotiques que l’on retrouve dans le secteur de l’agriculture sont aussi souvent utilisés de manière irresponsable et administrés à des animaux en bonne santé, en prévention de maladies ou pour favoriser la croissance.

La mauvaise utilisation et la surutilisation des antibiotiques dans l’agriculture animale alimentent la RAM au sein même de l’industrie agroalimentaire. La consommation excessive d’antimicrobiens dans l’élevage est une solution à laquelle les éleveurs ont souvent recours pour compenser des conditions d’hygiène médiocres où les transmissions sont difficilement contrôlables. Or, l’administration répétitive de ces médicaments rend les traitements sur les animaux moins efficaces et les infections bactériennes plus difficiles à traiter.  A tel point qu’il a été estimé que, si la RAM continue de croître de façon non maîtrisée, elle pourrait provoquer le décès de 11 % des animaux d’élevage d’ici 2050.

Ces pratiques augmentent aussi le risque de RAM chez les humains étant donné que les bactéries retrouvées chez les animaux et devenues plus résistantes aux traitements sont alors capables de se transmettre entre humains, animaux et dans l’environnement.

La situation en France

En France, comme dans le reste de l’Union Européenne, les antibiotiques ne peuvent plus être utilisés pour promouvoir la croissance des animaux depuis 2006.  Pour autant, plusieurs pays européens, dont la France, autorisent toujours l’utilisation d’antibiotiques de façon routinière. Cela signifie qu’il est encore permis de donner des antibiotiques en masse dans le cadre d’un usage préventif, via l’alimentation ou l’eau même lorsque aucune maladie n’a été diagnostiquée chez les animaux. Il est aussi particulièrement inquiétant qu’en France, les ventes de pénicillines et d’aminoglycosides à usage vétérinaire soient restées stables sur la période 2010-2019. Ces deux médicaments sont classés comme antibiotiques d_’importance critique_ par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Cette liste d’antibiotiques prioritaires a été identifiée par l’OMS pour protéger l’action des antibiotiques les plus efficaces pour la prévention et le traitement des maladies infectieuses chez l’homme.

Les pressions réglementaires sur l’utilisation des antibiotiques en France n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Cela a amené le gouvernement français à s’engager à interdire l’usage des antibiotiques à titre préventif à partir de 2022, ce qui devrait contribuer à réduire l’[utilisation totale d’antibiotiques](http://[16:29] Sofia Condes https://www.saveourantibiotics.org/media/1938/g7-farm-antibiotics.pdf) au niveau national. Toutefois, Feeding Resistance, la dernière étude publiée par FAIRR en juillet 2021 a montré que les sociétés françaises Virbac et Vétoquilone – qui figurent parmi les principaux laboratoires pharmaceutiques vétérinaires au niveau mondial – n’ont pas encore adopté une approche globale pour lutter contre la RAM. Cette étude souligne que les deux leaders pharmaceutiques français ne sont pas en mesure de démontrer leur démarche afin de promouvoir une meilleure transparence de la chaîne d’approvisionnement, des normes de fabrication, une commercialisation et une utilisation responsables des antimicrobiens dans l’agriculture animale. Cela signifie que ces entreprises sont confrontées à des changements de régulations pour lesquels aucune stratégie sur le long-terme n’a été mise en place, ce qui présente des risques importants pour les investisseurs ainsi que pour la santé publique.

Le rôle des investisseurs dans l’évolution de l’industrie pharmaceutique

Les entreprises pharmaceutiques et les agriculteurs ont la responsabilité de réduire la consommation d’antibiotiques dans les chaînes d’approvisionnement de l’élevage animal. Les investisseurs en tant qu‘actionnaires peuvent faire partie de la solution en jouant un rôle clé en incitant les entreprises à adopter les meilleures pratiques.

En tant qu’actionnaires actifs, ils peuvent par exemple encourager les producteurs de viande à limiter l’utilisation d’antibiotiques pour traiter la présence diagnostiquée de maladies chez les animaux. Ils peuvent également collaborer avec les laboratoires pharmaceutiques vétérinaires pour adopter des politiques en matière d’étiquetage, de marketing et de dimensionnements du packaging des produits, afin d’éviter l’incitation à la surutilisation de ces produits.

L’implication des investisseurs français peut contribuer à promouvoir une meilleure gouvernance des laboratoires pharmaceutiques sur cette problématique.  Une approche active de la part des actionnaires encouragera ces sociétés à se diversifier vers des alternatives telles que des nouvelles solutions de diagnostic des maladies, des vaccins ou encore de nouveaux traitements.

En 2020, un groupe d’investisseurs institutionnels rassemblant notamment Amundi, Aviva Investors, et Legal & General Investment Management a été mis en place. Ces investisseurs ont uni leurs forces afin d’accélérer la prise de conscience des sociétés pharmaceutiques des producteurs alimentaires, et des restaurants pour réduire l’utilisation des antibiotiques et relever le défi de la RAM.

Cette coalition – nommée Investor Action on Antimicrobial Resistance –  a pour objectif de tirer parti de l’influence des investisseurs pour lutter contre la RAM. Cette initiative est coordonnée par FAIRR, la Fondation Access to Medicine, UN PRI, et le Ministère Britannique de la Santé et des Affaires Sociales.

Enfin, le rapport intitulé Feeding Resistance et publié par FAIRR offre une véritable feuille de route aux entreprises de santé animale et à leurs investisseurs pour réduire les risques associés à la RAM.

FAIRR insights are written by FAIRR team members and occasionally co-authored with guest contributors. The authors write in their individual capacity and do not necessarily represent the FAIRR view.